C'EST FINI, IL N'Y A RIEN A ESPERER ...

 

Catherine était anxieuse. Catherine était inquiète.

Elle était assise dans le couloir et feuilletait, sans le lire un magazine. Etait-ce un magazine féminin ? Etait-ce un de ces magazines conçus pour aider les hommes à rêver ? Elle n’aurait su le dire.

Dans la salle d’opérations, glaciale sans doute, Barnabé, son ami, son amour était étendu, livré comme une bête de boucherie au couteau du chirurgien. Elle avait été appelée chez elle voici une heure par un gendarme : 

  • Madame Oloff ? Catherine Oloff ?
  • C’est bien moi.
  • Ici la gendarmerie. Connaissez-vous un Monsieur Vhû ? Barnabé Vhû ?
  • Oui.
  • Il vient d’être victime d’un accident de la route…
  • Et il est… ?

Gravement blessé. On l’a transporté à la clinique La Sapinière pour tenter de le sauver.

Elle avait balbutié des remerciements et, sans penser à ses enfants qui allaient rentrer de l’école, sans penser à son mari qui n’allait pas tarder à arriver , avait bondi dans sa voiture pour se rendre au plus vite auprès de Lui.

Depuis ce moment, elle était assise devant cette porte où l’avaient guidée les explications de la réceptionniste.

Elle entendait des bruits qu’elle avait du mal à identifier, des paroles qu’elle ne pouvait comprendre à travers le capiton qui, probablement, isolait la salle d’opération.

Une pensée insidieuse prenait corps en elle. Qu’allait-elle bien pouvoir raconter tout à l’heure à son mari ? Comment allait-elle justifier son absence à l’heure où elle aurait dû servir le repas de la famille ? Allait-elle reconnaître que, depuis quelques semaines, elle envisageait de le quitter, de se construire une nouvelle vie ?

En se rendant à la clinique, elle avait tiré un trait sur le passé. Aucun avenir ne s’offrirait à elle. Elle connaissait suffisamment son mari pour savoir qu’après l’avoir consciencieusement tabassée, il la mettrait séance tenante à la porte du domicile conjugal.

Dans tous les cas, avant toute tentative d’explication, il la giflerait.

Et elle ne savait pas mentir.

Elle ne pouvait plus rentrer.

Et cette pensée ravivait encore son inquiétude. Si Barnabé mourait, sa vie serait perdue.

Les bruits avaient gagné en intensité. Des éclats de voix maintenant résonnaient à travers la porte.

Que se passait-il ?

Que signifiait tout ce vacarme ?

La porte s’ouvrit et une infirmière, vêtue de vert, échevelée sortit en déclarant :

" C’est fini ! Il n’y a rien à espérer ! "

Catherine sentit le froid de la mort s’abattre sur elle. Pendant quelques secondes, elle fut incapable de bouger. Puis, prenant sur elle, elle tira la porte.

  • Madame, que désirez-vous ?
  • Il est mort ?
  • Qui ?
  • Mais Barnabé ?
  • Barnabé ? Mais de quoi parlez-vous donc ?
  • L’infirmière… à l’instant… c’est fini… il n’y a rien à espérer… disait-elle…
  • Nous venons de rompre.
  • Mais alors, la salle d’opération ?
  • Ce n’est pas ici, C’est au fond du couloir à droite.

Et Catherine s’évanouit.

Quelques jours pPlus tard, Barnabé Vhû sortit de l’hôpital.

Quelques mois plus tard, nos deux héros se marièrent et n’eurent aucun enfant.