IL NE FAUT PAS SE FIER AUX APPARENCES

 

 

PERSONNAGES:

SYLVIA, la vendeuse

ALPHONSE

URSULE

L'HOMME

LE VOYOU

POLICIER 1

POLICIER 2

 

(Dans une bijouterie de luxe, la vendeuse s'affaire. Entrent deux clients, un couple âgé, richement vêtus.)

SYLVIA: Monsieur, Madame... Bonjour... Que puis-je pour vous ?

ALPHONSE: Bonjour mon petit. Nous venons pour un agneau.

SYLVIA: Un agneau ! Un agneau ! Mais nous ne faisons pas ce genre de choses. C’est une bijouterie ici, pas la ferme de José Bové !

ALPHONSE: Excusez-moi. C'est anneau que je voulais dire. Un anneau, une bague.

SYLVIA: Quelle sorte de bague ? Avec une pierre ?

ALPHONSE: Avec un diamant... Assez gros, mais pas trop.

SYLVIA: Asseyez-vous, s'il vous plaît. (à Ursule) Montrez-moi votre doigt, je vais en chercher quelques-unes.

(Elle sort.)

URSULE: Voyons, Alphonse, vous n'êtes pas raisonnable ! C'est une folie.

ALPHONSE: Ursule, ma chérie, voilà cinquante ans que vous me rendez heureux ; je ne pourrai rien vous offrir d'assez beau pour vous remercier de tout ce bonheur !

URSULE: Quand je pense que mon seul cadeau a été de vous acheter une nouvelle pipe, je suis confuse...

ALPHONSE: Vous n'avez pas à l'être, Ursule, tout cadeau venant de vous a pour moi une valeur inestimable.

(La vendeuse revient, portant un plateau avec quelques bagues).

SYLVIA: Voici quelques modèles. S'ils ne vous conviennent pas j'irai en chercher d'autres. Mais avec ceux-ci, nous aurons une idée plus précise de ce que vous souhaitez.

ALPHONSE: Faites votre choix ma chérie. Je pense qu'elles vous plairont.

URSULE: (après en avoir examiné deux ou trois) Celle-ci, par exemple.

SYLVIA: Elle est très jolie ; vous avez très bon goût, madame. (elle l'examine à la loupe) Cependant...

ALPHONSE: Cependant ?

SYLVIA: Je viens d'apercevoir un défaut. Minuscule certes, mais je me dois de vous le signaler. Voyez vous-même Monsieur, regardez bien la monture... (elle lui prête sa loupe) Vous voyez cette soudure ? Une petite bulle d'air la rend fragile. Néanmoins, je peux la faire réparer, et vous l'aurez dans trois jours, ou bien je peux également vous en baisser le prix.

ALPHONSE: Je vois bien en effet une légère imperfection ; mais je ne veux ni attendre, ni prendre un bijou qui ne soit pas absolument parfait. Nous allons plutôt en choisir une autre. N'est-ce pas, ma chérie ?

URSULE: Vous avez raison, Alphonse. Ces bagues sont toutes si belles que je ne regretterai pas celle-ci. J'hésite... Je ne sais laquelle choisir...

ALPHONSE: Vous les voulez toutes ?

URSULE: Non, évidemment. Ce ne serait pas raisonnable. Pouvez-vous m'aider, mademoiselle ? Au fait quel est votre nom ?

SYLVIA: Je m'appelle Sylvia, madame. Je pense que cette bague devrait convenir à votre main. Le diamant n'est pas trop gros et la monture ressemble un peu à celle que vous aviez choisie tout à l'heure.

URSULE: Mademoiselle Sylvia, vous avez très bon goût. Elle est effectivement magnifique. Qu'en pensez-vous Alphonse ?

ALPHONSE: Votre choix sera le mien. Cette bague sera la vôtre et j'approuve entièrement votre décision.

URSULE: Mais, n'est-elle pas trop onéreuse ?

ALPHONSE: Puisqu'elle vous plaît, elle est parfaite.

SYLVIA: Pour le fisc, souhaitez-vous que je fasse une facture au nom de votre entreprise ?

ALPHONSE: C'est inutile, car nous ne travaillons pas. Mais je vous remercie d'y avoir pensé.

(La vendeuse inscrit le montant sur une facture qu'elle donne à l'homme puis range la bague dans un ‚crin. Alphonse rédige le chèque.)

ALPHONSE: Vous n'avez pas de regret, Ursule ? C'est bien cette bague que vous voulez?

URSULE: Oh oui ! Elle est tellement belle. C'est, après le jour de notre mariage, le plus beau jour de ma vie !

ALPHONSE: Vous exagérez. Maintenant, allons nous mettre en quête d'une nouvelle robe de soirée.

URSULE: Alphonse ! Vous faites des folies!

(Ils sortent ; la vendeuse va ranger les bagues, fait un peu de m‚nage. Alors se présente un nouveau client, l'air distingué.)

SYLVIA: Bonjour Monsieur. Vous désirez ?

L'HOMME : Bonjour, jolie demoiselle. Ce que je désire ? Beaucoup de choses. Vous inviter à dîner, vous emmener en croisière autour du monde, vous épouser, que sais-je encore ? Mais si je suis entré chez vous, c'est parce que je souhaiterais offrir une parure d'émeraudes à l'une de mes amies. Pouvez-vous m'en montrer quelques-unes ?

SYLVIA: A votre service, Monsieur. (Elle sort et revient avec un plateau) Voici nos plus belles parures, j'espère que vous trouverez sur ce plateau ce que vous cherchez.

L'HOMME : (les examinant l'une après l'autre) Très belle ! Magnifique ! Quelle pureté ! Elles sont extraordinaires, mais...

SYLVIA: Mais ?

L'HOMME : A la réflexion, je me demande si elle n'aimerait pas davantage des diamants. Pouvez-vous me montrer deux ou trois parures afin que je puisse comparer.

SYLVIA: Bien entendu, Monsieur. Je vous demande seulement quelques secondes. (Elle va chercher un nouvel assortiment de bijoux) Voilà, Monsieur. Prenez tout votre temps.

(A ce moment entre un jeune homme, portant blouson, lunettes noires... pistolet au poing).

LE VOYOU : La caisse et les bijoux ! En vitesse ! Toi, le vieux, debout et les mains sur la tête!

L'HOMME : (se levant) Croyez-moi, jeune homme, vous avez tort. Mademoiselle, ne craignez rien, ce jeune coq n'est pas dangereux. Il veut simplement nous faire une petite farce.

LE VOYOU : De quoi tu te mêles ? Pas besoin de me faire la morale ! Lève plutôt les bras et tais-toi ! Toi, la fille, dépêche-toi au lieu de prendre racine !

L'HOMME : Vous avez tort, vous dis-je. Vous feriez bien mieux de ranger votre outil et d'aller jouer aux petites voitures avec les enfants de votre âge.

LE VOYOU : Je ne t'ai rien demandé ! Tu la fermes ou je tire !

L'HOMME : J'en serais bien étonné. Votre pistolet ne me ferait pas grand mal.

LE VOYOU : (le visant) C'est la dernière fois ! Maintenant, si tu dis encore un mot, un seul, je te descends ! Tu verras si mon pistolet ne te fait rien.

L'HOMME : Tu vois le petit bouton là ? C'est le cran de sûreté. Et dans la position où il est, tu ne risques pas de pouvoir tirer. (Il sort un revolver de sa poche) Maintenant, tu vois celui-ci ! Il est prêt à fonctionner. Donne-moi ton truc et fiche le camp d'ici avant que je ne me fâche ! Allez, bonhomme, vite !

(Le voyou s'enfuit, laissant tomber son arme que l'homme va ramasser).

SYLVIA: Oh ! Merci ! (Elle se jette au cou de l'homme) Merci beaucoup ! Je ne sais comment vous remercier ! Vous m'avez sauvée ! J'avais tellement peur ! Et vous étiez là ! Fort et tranquille ! Vous n'avez peur de rien ! Vous êtes mon sauveur, mon héros, mon Zorro, mon Goldorak, mon Bioman ! Que puis-je faire pour vous ? J'y suis ! Une réduction sur tous vos achats ? Une montre gratuite ? Choisissez ! Mais, au fait, pour porter une arme sur vous, vous êtes peut-être policier?

L'HOMME : Pas vraiment.

SYLVIA: Détective privé, alors ? Comme dans les films américains ?

L'HOMME : Pas du tout, mais en parlant de cinéma, vous n'êtes pas loin.

SYLVIA: J'ai trouvé ! Vous êtes un agent secret, une sorte de James Bond ! Jamais je n'aurais cru qu'un jour je rencontrerais un agent secret ! Vous n'en avez pas l'air ! Quoique, avec votre air distingué, j'aurais dû me douter... Vous ressemblez un peu au héros de "Chapeau melon et bottes de cuir" Et vous m'avez sauvée de cet infâme voyou, de l'immense danger dans... (Elle l'embrasse à nouveau, mais lui la gifle).

L'HOMME : Assez perdu de temps ! Si je ressemble à un héros de cinéma, ce n'est pas à ceux auxquels tu as pensé ! Voici un sac! Remplis-le de bijoux et en vitesse. (Il la menace avec son arme) Je ne suis pas un jeunot, mon pistolet fonctionne et je sais m'en servir.

SYLVIA: Oh ! (elle s'évanouit)

L'HOMME : (Il la gifle... nouveau) Pas de ça mignonne ! Fais ce que je t'ai demandé ! Tu pourras faire ce que tu voudras après !

SYLVIA: Mais vous m'avez sauvée ! Et vous... Et, je croyais...

L'HOMME : De toi, je m'en moque ! Mais je ne voulais pas laisser le gamin partir avec tout le butin! Cesse de bavarder, et remplis le sac !

(A ce même moment entrent deux policiers encadrant le voyou).

POLICIER: Madame, nous venons de voir ce jeune homme sortir de chez vous en courant. Ne vous aurait-il rien volé?

(L'homme range discrètement son pistolet dans sa poche et évolue doucement vers la sortie).

SYLVIA: Je n'y comprends plus rien ! (Puis elle s'évanouit).

POLICIER: (la gifle) Allons ! Remettez-vous ! (Il se tourne vers l'homme) Vous ! Ne bougez pas ! Allez Mademoiselle je vous écoute ! Que vous a fait ce jeune voyou ?

SYLVIA: Rien ! Enfin si ! Il m'a attaquée ! Mais c'est pas lui ! Il voulait la caisse ! Mais l'autre ! Il m'a menacée avec un pistolet qui ne marchait pas! Mais l'homme ! Je croyais qu'il était policier ou quelque chose ! Mais c'était un voleur ! Tous les deux! Le jeune et l'autre ! Il faut les mettre en prison !

POLICIER: Je n'y comprends rien. Asseyez- vous et racontez-moi tout ! Vous deux, ne bougez pas, je vous ai à l’œil.

SYLVIA: Alors voilà…

RIDEAU.