L’AGENCE NOGATRI

 

PERSONNAGES:

NOGATRI, DIRECTEUR

FLORENCE, SECRETAIRE

LAVTOU, FABRICANT

ANNIE, EMPLOYEE

MARIE-THERESE, EMPLOYEE

CATHERINE, EMPLOYEE

CORINNE, EMPLOYEE

FRANCOISE, EMPLOYEE

Les rôles des employées pourront être remplis par la même actrice (voir indications plus loin).

Un bureau. Un homme fait les cent pas, regardant sa montre et la porte d'entrée alternativement. Une jeune femme entre tranquillement, sourire aux lèvres.

FLORENCE: Bonjour, Monsieur le Directeur. Avez-vous passé une bonne soirée ?

LEDIRECTEUR : C'est à cette heure-ci que vous arrivez ? Il est plus de dix heures!

FLORENCE: Pourquoi ? Il est arrivé quelque chose ?

LEDIRECTEUR : Il ne s'est rien passé, mais je vous rappelle que votre travail commence à neuf heures !

FLORENCE: A quoi bon venir aussi tôt ? Le courrier n'arrive qu'à dix heures et votre premier rendez-vous est seulement à onze heures. j'y veille chaque jour.

LEDIRECTEUR : Florence, c'est la dernière fois que je vous le dis : Vous devez arriver assez tôt pour prendre votre travail à neuf heures.

FLORENCE: Vous avez raison de me le dire pour la dernière fois ; depuis cinq ans que je travaille chez vous, vous me le répétez chaque jour ; c'est lassant à la fin. Maintenant, laissez-moi le temps de me maquiller avant que n'arrive votre premier client.

Une sonnerie retentit.

FLORENCE: Et voilà ! Il arrive ! Et je ne suis même pas prête ! Et s'il s'agit d'un milliardaire ! Croyez-vous qu'il voudra m'épouser avec la tête que j'ai ce matin ? Il est vrai qu'il en vient fort peu chez vous ! Bon! Je m'installe et je le fais entrer... (Elle ôte son manteau, va le poser au vestiaire ; la sonnerie retentit … nouveau.) Y a pas le feu ! On arrive ! (Elle continue son installation).

LEDIRECTEUR : Allons Florence, vous ne devez pas faire attendre les clients.

FLORENCE: (Après quelques préparatifs supplémentaires, parlant dans l’Interphone) Monsieur Lavtou ? Monsieur le Directeur de l'agence Nogatri est enfin prêt à vous recevoir. Il vous attend dans son bureau du premier étage.

LEDIRECTEUR : Vous me la copierez, Florence ! C'est vous qui n'étiez pas prête ! Et voilà que vous m'en rendez responsable ! A propos, avant qu'il ne soit ici, avez-vous trouvé un gagnant pour le concours de vertu et bonnes mœurs organisé par l'Association des Rosières de Saledes ?

FLORENCE: Je crois. J'ai dans le dossier une lettre d'un candidat qui, je pense devrait être le gagnant et plaire à ces dames de l'association. (Elle cherche dans ses dossiers et en retire une lettre) Je vous la lis:

Mesdames, je ne fume pas. Je ne bois pas non plus. Pas la moindre goutte d'alcool ! Je ne joue absolument pas. Même pas au loto ou au tiercé ! Je suis fidèle à ma femme et ne regarde même jamais une personne du sexe qui est le vôtre. Je travaille dur, sur le bord des routes, quel que soit le temps. Je ne sors jamais le soir. Hiver comme été, je me couche tôt et me lève à 5 heures. Et voilà bientôt dix ans que ça dure. Je vous prie, Mesdames, d'agréer mes sincères salutations. Et c'est signé Nanar de Belleville.

LEDIRECTEUR : C'est inespéré ! Ce sera un magnifique gagnant ! Donnez-moi cette lettre ! Ah ! Oh ! Non ! Ce n'est pas possible ! Ah ! Lisez le post-scriptum ! Lisez ! A haute voix !

FLORENCE: Si vous me désignez comme vainqueur, soyez gentilles d'attendre trois mois pour me remettre mon prix, car ma peine de travaux forcés se termine seulement à cette époque.

( Elle replie la lettre) Excusez-moi, je n'avais pas attaché d'importance à ce détail.

LEDIRECTEUR : Un détail ! Un détail ! Ce n'est pas un détail, c'est... Ces dames ne peuvent pas attendre trois mois ! (On frappe à la porte) Allez ouvrir ! Il a bien assez attendu.

FLORENCE: Monsieur Lavtou, si vous voulez bien vous donner la peine de vous asseoir. (Elle va à sa table, sort de son sac à main tout un nécessaire de maquillage et s'affaire. Pendant toute la scène, elle se limera les ongles, refera son maquillage, arrangera sa tenue... etc.)

LEDIRECTEUR : Monsieur Lavtou, je suis heureux de vous compter parmi les futurs clients de la mondialement célèbre Agence Nogatri.

LAVTOU: Rien n'est fait, rien n'est fait. Je ne dispose que d'un petit budget et je ne sais si je pourrai m'offrir vos services.

LEDIRECTEUR : Ne vous inquiétez pas ! Nous avons des services à tous les prix ! Ce serait bien le diable si nous ne parvenions pas à nous entendre! Avant toutes choses, présentez-moi votre produit. De quoi s'agit-il ? Quelles sont ses principales qualités ?

LAVTOU: Et bien voilà : il s'agit d'une nouvelle lessive.

LEDIRECTEUR : Encore une ! Le marché est bien encombré ! Ce ne sera pas facile de vous faire une place. Il nous faudra mener une campagne percutante !

LAVTOU: Mais ma lessive n'a rien de commun avec les autres. Elle est franchement ré vo lu tio nnai re ! Un dé à coudre de ma poudre dans la machine et toute la saleté qui était sur votre linge disparaît !

LEDIRECTEUR : N'exagérez pas tout de même ! Je ne suis pas un client, je suis votre futur agent publicitaire !

LAVTOU: Je n’exagère rien. C'est parce que mon produit est entièrement nouveau que j'ai décidé de le lancer sur le marché.

LEDIRECTEUR : Cela a finalement très peu d'importance. Dans la publicité, le plus important n'est pas la qualité du produit mais plutôt la manière de le promouvoir. Ainsi, tenez, le mois dernier, nous avons assuré la campagne des lampes de poche solaires. Et ce fut un succès, que dis-je, un triomphe ! , cela bien qu'elles n'éclairent qu'en plein jour, en plein soleil !

LAVTOU: Mais mon produit est 100% efficace, le meilleur du marché ! J'en réponds !

LEDIRECTEUR : Tant mieux. Avec un bon produit, nous allons battre tous les records de vente, enfoncer tous vos concurrents et surtout les miens. Ensemble, nous ferons fortune ! Nous serons les maîtres du marché. Cela me fait justement penser à l'immense succès publicitaire que j'ai remporté au Pototou. J'ai assuré la campagne électorale du Président à vie, le dictateur Borniécha - il n'avait pas d'adversaire, je vous l'accorde- et ce fut un succès sans précédent ! 99,99% des suffrages ! On n'a jamais vu cela nulle part! Seules ses 26 épouses ont voté contre lui ! Et encore parce qu'il le leur avait demandé ! Depuis cette victoire, j'ai, ce cher Borniécha me l'a accordée, l'exclusivité de toutes les campagnes publicitaires au Pototou.

LAVTOU: Je ne vous en demande pas autant ! Je ne veux pas ruiner mes concurrents, mais simplement obtenir la place que je mérite sur le marché de la lessive.

LE DIRECTEUR : La première donc puisque votre produit semble le meilleur.

LAVTOU: Il ne semble pas le meilleur, il EST le meilleur.

LEDIRECTEUR : Je vous l'accorde, mais quelles que soient ses qualités, il nous faudra faire une campagne extraordinaire de force et de finesse. Pour commencer, afin que nous nous rendions mieux compte de la valeur de votre lessive, je vous propose de faire un petit test avec les taches les plus courantes. Acceptez-vous de vous prêter à ce petit essai ?

LAVTOU: Mais bien entendu, c'est bien le moins que je puisse faire pour vous prouver que ma lessive surpasse de loin toutes les autres.

LE DIRECTEUR : Très bien, très bien. Mademoiselle Florence, voulez-vous faire venir la responsable des essais, s'il vous plaît ?

FLORENCE: Oui, Monsieur le Directeur, je l'appelle à l'instant. (dans l'Interphone) Mademoiselle Annie, Monsieur le Directeur vous attend pour un essai de lessive. Apportez bien tout votre matériel. (Elle se lève et se dirige vers Lavtou) Monsieur Lavtou, si vous voulez bien me confier votre veste et votre cravate.

(Devant l'air ébahi de Lavtou, le directeur explique).

LE DIRECTEUR : Ne vous froissez pas, mais pour tester la sincérité de nos clients, nous avons pour habitude d'essayer les produits sur eux-mêmes. Ainsi, un fabricant de pâtée pour chien a dû goûter devant nous sa création avant que nous ne la donnions à nos chiens. Il s'est, parait-il, régalé. Le seul petit détail que nous avons pu constater était qu’il aboyait après. Ma secrétaire, qui l’a vu un peu plus tard, m’a affirmé, mais je n’ai que sa parole, qu’il remuait la queue quand il était content.

FLORENCE : Mais, c’est vrai, je vous l’assure. Et après la soirée que j’ai passée avec lui, il était très, très content… très !

LAVTOU: Je comprends, je comprends. (Il retire les pièces de vêtement demandées). Tenez Mademoiselle, voici ma veste,... et voilà ma cravate.

(A ce moment là entre Annie, elle porte un panier contenant divers produits, elle est vêtue dans le style de la Mère Denis).

ANNIE: Bonjour Florence (elle l'embrasse), Bonjour Monsieur le Directeur, Bonjour Monsieur. (Elle s'approche de Lavtou, se tourne vers Florence) Alors, c'est lui ?

FLORENCE: Oui, tu peux y aller, il a parfaitement confiance dans sa lessive.

LE DIRECTEUR : Allez, Annie, allez-y, et ne lésinez pas sur les quantités. Nous voulons absolument vérifier que la lessive de Monsieur Lavtou est réellement supérieure aux autres ainsi qu'il veut bien nous le dire.

LAVTOU: Mais oui, Mademoiselle, n'ayez aucune crainte. Voici une dose de cette lessive surpuissante.

ANNIE: (Pendant toute cette scène, elle appliquera généreusement les produits cités sur la chemise et le pantalon de Lavtou)Nous allons commencer par la sauce tomate, très importante la sauce tomate à notre époque où l'on ne mange plus, sauf José Bové, que dans des fast-food... Maintenant, le rouge à lèvres, sur le col de la chemise surtout…, presque tous les maris en rapportent chez eux en revenant du travail…, et leurs épouses ont un mal fou à les faire partir. Au tour des fruits et des œufs maintenant…, il faut bien penser à tous ceux qui ont un jardin et quelques poules. Essayons maintenant le chocolat et le yaourt…, les mères de famille vous béniront si ces taches partent sans mal. Un peu de graisse de voiture… car il y a des bricoleurs qui se salissent, et, pour terminer, nous allons ajouter de l'encre…, prête-moi ton stylo Florence…, frotter un peu d'herbe et finir en beauté‚ avec du vin, du bon vin de Monton, qui tache parfaitement.

Voilà, vous n'avez plus qu'à me donner votre pantalon et votre chemise pour que j'aille les laver.

 

(Lavtou se déshabille et reste en caleçon et en maillot de corps.)

 

LE DIRECTEUR : Vous avez, je pense, bien compris notre principe. Connaissant bien cette lessive, nous en assurerons d'autant mieux la promotion.

LAVTOU: Votre essai me comble ! Vous allez pouvoir constater, de visu, que ma lessive, ma lessive miracle, ôte parfaitement toutes les taches. Et, si vous êtes convaincu, nous pourrons peut-être discuter du contrat sur des bases plus intéressantes pour vous comme pour moi.

LE DIRECTEUR : Plus tard, plus tard… Rien ne presse… Nous verrons cela plus tard. Pour l'instant, mes collaboratrices vont vous présenter des projets pour la télévision, le cinéma, la presse et l'affichage. Florence, voulez-vous bien appeler Marie-Thérèse, Corinne, Françoise et Catherine.

FLORENCE: Je les appelle dans l'instant.

LAVTOU: Des femmes ! Des femmes ! Vous ne travaillez donc pas avec des hommes! Pensez-vous… que… des femmes… sauront faire… un travail… aussi… délicat…, aussi difficile que de promouvoir ce produit original !

LE DIRECTEUR : Mais quoi ? Vous vendez peut-être des brouettes, des perceuses ou des ballons de rugby ? Qui va utiliser votre lessive ? Des hommes ou des femmes ? Une femme pourra, bien mieux qu'un homme, savoir ce que ses consœurs désirent.

LAVTOU: Vous avez peut-être raison.

LEDIRECTEUR : J'ai sûrement, absolument raison, j'ai toujours raison. Je suis le Directeur, le Responsable de cette agence, et un directeur, le Directeur de l'agence Nogatri ne se trompe jamais.

LAVTOU: Mais je vous crois ; ne vous fâchez pas !

FLORENCE: Parlez moins fort, je n'entends rien. Tiens Annie, c'est toi qui réponds ? Peux-tu me passer Marie-Thérèse ? Ah ! Elle est partie boire un thé avec Catherine ? Fais-les appeler et envoie-les au bureau. On les attend. Pendant que tu ne fais rien, fais donc venir aussi Corinne et Françoise. Oui, c'est le grand jeu. Tout le monde sur le pont ! Il n'y a que Françoise, Corinne est partie à la poste ? Dis-lui de se dépêcher, le patron va s'impatienter.

(Les rôles de Annie, Corinne, Marie-Thérèse, Catherine et Françoise pourront être tenus par la même actrice, ces cinq personnages n'apparaissant sur scène qu'à tour de rôle.)

LAVTOU: Vous voyez bien qu'on ne peut pas faire confiance aux femmes. Vous les appelez et elles ne sont pas là. Avec des hommes...

(A ce moment-là entre Françoise, très élégamment vêtue).

FRANCOISE: Bonjour Florence(elle l'embrasse) Figure-toi que mon fils est rentré de l'école avec un carnet de notes catastrophique, 0 en Français, 0 en maths, 3 en géographie, 0 en histoire et 0 en sciences. Quand je lui ai demandé des explications, il m'a répondu qu'ayant travaillé d'arrache-pied la géo, il avait un peu négligé les autres matières...

LE DIRECTEUR : Vous parlerez de tout cela plus tard. Mademoiselle Françoise, (il se tourne vers Lavtou) ne soyez pas étonné, j'appelle toutes mes collaboratrices mademoiselle, cela fait plus jeune, (il se tourne vers Françoise) Monsieur Lavtou que voici a conçu une nouvelle lessive dont il nous dit qu’elle est…

LAVTOU : Mais elle est réellement…

LE DIRECTEUR : …révolutionnaire, comment concevez-vous la campagne d'affiches que nous pourrions faire ? Je ne vous demande pas les détails, bien entendu, car il est un peu tôt et vous avez besoin de bien travailler le sujet afin d'affiner les diverses actions, mais indiquez-nous les grandes lignes, les tendances...

FRANCOISE: Monsieur, si votre produit est aussi révolutionnaire que me le dit Monsieur le Directeur, il faudra que nos affiches sortent de l'ordinaire. Pas de comparaison avant-après, car tout le monde, et surtout les charlatans, le fait, il ne faudra pas non plus écrire... Au fait comment se nomme votre lessive?

LAVTOU: Je pense l'appeler Faf...

LE DIRECTEUR : Très bon cela ! Faf ! Lessive Faf ! Court ! Faf! Facile à retenir ! Lessive Faf ! Parfait ! Faf ! Je n'aurais pas trouvé mieux ! La lessive Faf ! C'est vous dire !

FRANCOISE: Je disais donc, pas de slogans faciles comme " Faf lave plus blanc ", ou bien comme " avec Faf plus une tache ne s'attache". Nous irons plutôt dans le simple, utilisant une affiche géante, blanche, complètement blanche, sans le moindre mot d'explication. Très vite, les chalands s'interrogeront, et, les médias s'y intéresseront, la signaleront aux rares personnes qui ne l'auront pas encore remarquée, et ce sera gagné ! Nous n'aurons plus qu'à coller par-dessus une affichette annonçant : " Faf vous a offert une semaine de blancheur absolue ". Votre lessive sera alors connue dans le pays tout entier.

LEDIRECTEUR : Et quelle économie ! Pas de dessinateur ! Peu d'imprimerie ! Vous allez grâce à nous vers un triomphe !

LAVTOU: Ne croyez-vous pas que...

FRANCOISE: Non, il vous faut être original, nouveau, si vous voulez que votre produit se vende.

LAVTOU: Bien ; je vous fais confiance. Après tout vous connaissez votre métier.

LE DIRECTEUR : Allez Françoise, allez réfléchir à d'autres affiches pour la suite de notre campagne. Et envoyez-moi une de vos collègues.

Florence, si vous nous serviez un petit rafraîchissement ?

FLORENCE: Que prendrez-vous Monsieur Lavtou ?

LAVTOU: Un verre de lait, s'il vous plaît !

FLORENCE: Du lait ! Du lait blanc ! On voit que le blanc est pour vous la plus belle des couleurs. Je vais de ce pas vous le chercher. Pour vous, Monsieur le Directeur, je vous apporte un soda comme d'habitude?

LE DIRECTEUR : Oui, allez ! Et ne perdez pas de temps à bavarder comme vous le faites trop souvent.

(Elle sort ; à ce moment entre Marie-Thérèse, vêtue comme Françoise, avec seulement quelques détails, couleur de cheveux par exemple pour la différencier.)

MARIE-THERESE: Bonjour, Monsieur le Directeur, bonjour Monsieur.

LE DIRECTEUR : Bonjour Marie-Thérèse. Monsieur Lavtou que voici a mis au point une lessive miraculeuse, la lessive Faf, et nous demande d'en assurer la promotion.

(Florence entre avec un plateau qu'elle pose sur son bureau.)

MARIE-THERESE: Pour le cinéma, je ne vois qu'une chose, mais très valable. Nous allons financer le tournage de quelques films. Ainsi le nom de votre lessive figurera au générique et sur les affiches. (A son directeur) Nous aurons de plus la charge de la pub pour ces films. (à Lavtou) J'ai en tête quelques films dont le tournage est commencé‚ et dont le budget est un peu juste. En ce moment se tourne un nouveau " Croc-Blanc ", avec Pierre Blanc comme vedette. Il y a aussi " Le grand blanc ", un film du grand metteur en scène Jean Jacques Blanc, " Histoire au pays blanc " avec la belle Blanche Castillo, " Les blancs attaquent " que joue Frédéric Blanco, " L'étoile blanche " avec Blanche Médicis, et j'en oublie certainement. Ainsi votre nom sera associé au mot blanc et les ménagères se sentiront obligées d'acheter votre lessive.

LAVTOU: Je suis positivement enthousiasmé. Vous êtes extraordinaire !

MARIE-THERESE: Et ce que je ne vous ai pas dit, c'est que ce sera presque gratuit. Les metteurs en scène ont pratiquement fini leur tournage. Il ne leur manque qu'un tout petit peu d'argent pour achever leurs films. Vous allez les sauver, et, ce qui ne gâte rien, vous percevrez très tôt des dividendes car ces films seront des succès et vont collectionner les récompenses, Césars, Oscars... et j'en passe.

LEDIRECTEUR : Très bien Mademoiselle. Allez poursuivre votre recherche, et n'hésitez pas. Nous devons faire encore mieux qu'avec Borniécha !

(Florence sert les boissons)

LE DIRECTEUR : Convenez, Monsieur Lavtou, que mes collaboratrices connaissent leur métier. Quelle rapidité à trouver des idées ! Vos préventions contre les femmes doivent tomber maintenant.

LAVTOU: J'en suis étonné et je conviens volontiers que ma méfiance à l'égard des femmes que vous employez dans votre agence était sans objet.

(Catherine entre à son tour quelques détails vestimentaires seulement la différencient de Françoise et Marie-Thérèse).

CATHERINE: Bonjour Florence (elle l'embrasse). Hier, j'ai dîné chez ma belle-mère avec mon mari, elle avait préparé des horreurs, riz pas cuit, rôti brûlé, tarte calcinée, et comme je ne mangeais pas de grand appétit, elle m'a dit : Ma fille, vous ne semblez pas avoir très faim, pourtant, pour vous faire plaisir, j'ai fait exactement les mêmes recettes que celles que vous nous préparez d'habitude. J'ai respecté tous les temps de cuisson. Alors je lui ai dit...

LE DIRECTEUR : Ce que vous avez pu lui dire ne nous intéresse pas. Au travail ! Venez donc expliquer comment vous allez faire connaître la lessive Faf, l'étonnante lessive de Monsieur LAVTOU.

CATHERINE: Une lessive ! Encore ! Enfin, il faudra faire avec. Comme il s'agit d'un produit qui envahit la pub de la télé, je pense qu'il ne faut surtout pas diffuser de spots publicitaires. Il sera bien plus efficace, et économique, de distribuer quelques pots de vin à des producteurs d'émissions, à des présentateurs en leur demandant de dire quelques mots sur votre lessive, de la rendre visible dans les téléfilms. Une scène où l'héroïne fait sa petite lessive ne choquera pas dans un film. Nous pourrons aussi sponsoriser quelques émissions à succès comme " Les fous de la torture ", " Valsez ménages ", " Les justes prient ", une émission religieuse, ou encore " Avis de perte " ou même " Des comptes et des mots ". A ce propos savez-vous que le chanteur de rock Jack Padiday a voulu y participer. L'émission n'a jamais été diffusée car lorsque son adversaire disait " consonne ", il se levait et disait : "Et que je vais ouvrir !" De plus, à l'occasion des prochains jeux olympiques d'hiver, nous pouvons envisager de peindre sur les pistes ce slogan : " blancheur Faf ! " Toutes les télévisions du monde feront votre publicité.

LAVTOU: Cela me semble parfait. Je pense qu'avec vous, je vais réussir dans mes objectifs au-delà de mes espérances.

LE DIRECTEUR : Je n'en ai pas douté un seul instant. Maintenant, Catherine, laissez-nous, et commencez à prendre des contacts pour les pots de vin.

CATHERINE: Tout de suite, Monsieur le Directeur, j'appelle aussitôt mes amis qui me servent d'intermédiaire auprès du directeur des programmes d'Antenne 3. Au revoir, Monsieur Lavtou, et à bientôt pour faire le bilan de ces premiers contacts.

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(Les répliques précédées d'un astérisque ne seront utilisées que si une seule actrice joue les 5 rôles des employées de l'agence Nogatri).

* LAVTOU : Cher Monsieur Nogatri, je ne suis pas très physionomiste, mais j'ai cru remarquer comme une ressemblance entre toutes vos employées. Ai-je raison ou bien est-ce que je me trompe?

* LE DIRECTEUR : Mais vous avez raison, positivement raison, tout à fait raison. Vous vous souvenez peut-être d'un événement qui, voilà bientôt trente ans fit la Une des journaux de France : A Clermont-Ferrand, une brave employée de la Banque de France avait mis au monde des quintuplées. Cinq à la fois ! Elles ont grandi et j'ai découvert qu'elles avaient du talent, que dis-je, du génie plutôt, et je me suis empressé de les engager.

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LAVTOU: A propos de talent, ou de génie si vous préférez, je suis très étonné de la rapidité avec laquelle les idées leur viennent, mais encore plus surpris par leur décontraction dans le travail. Elles semblent ne rien respecter, ni horaires, ni vous. Cela fait-il partie de votre méthode, Ou bien êtes-vous en quelque sorte… comme… dominé par toutes ces femmes ? Cela dit sans vouloir vous offenser.

LE DIRECTEUR : Il n'y a pas d'offense. Vous n'êtes pas sans savoir que les créateurs, les artistes, ont besoin pour s'exprimer d'une grande indépendance, de toute leur liberté. Imposez un travail à un génie et il vous le bâclera sans même y penser ; mais laissez-lui la bride sur le cou, faites-lui confiance et, pour vous, il déplacera des montagnes. Mes employées sont comme tous les grands créateurs, comme les enfants aussi, ces génies trop souvent étouffés. Elles sont capables de tout réussir si je leur accorde ma confiance et toute l'autonomie dont elles ont besoin, mais si je leur rendais la vie difficile en me montrant trop tatillon sur tous ces petits détails qui leur permettent d'être heureuses, je n'obtiendrais que des résultats très moyens. Or, je ne veux pas de médiocrité ! Je veux que mon agence soit la meilleure de France, la meilleure du Monde ! Mais trêve de philosophie, reprenons notre travail, car je crois bien que Mademoiselle Corinne arrive.

(Corinne entre, presque semblable aux précédentes).

CORINNE: Bonjour Florence, Bonjour Chéri (elle embrasse le directeur). Comment vas-tu depuis ce matin ?

LE DIRECTEUR : (gêné à Lavtou) C'est mon épouse. Elle n'est jamais parvenue à m'appeler autrement que Chéri.

CORINNE: Figure-toi qu'à la poste, j'ai rencontré Daniel, il vient de se faire retirer le permis de conduire. Il roulait un peu trop vite, et a été pris en chasse par des motards. A force de ruse, et de vitesse aussi, il a réussi à les distancer...

LE DIRECTEUR : Et ils ne l'ont pas rattrapé ?

CORINNE: Si ; au péage ; car occupé à regarder dans son rétroviseur pour voir s'ils étaient loin, il s'est engagé involontairement sur l'autoroute. Mais revenons au travail. Pourquoi m'as-tu fait demander ?

LE DIRECTEUR : Voilà: je te présente Monsieur Lavtou, l'inventeur génial d'une lessive révolutionnaire qu'Annie teste en ce moment.

CORINNE: C'est donc pour cela qu'il est en petite tenue dans ton bureau ! Lavtou ! Avec un nom pareil, il ne pouvait pas inventer autre chose que de la lessive. Et bien sûr, il veut que l'on vende son produit ! Ce ne sera pas facile ! Mais en contactant " 500 consommateurs ", " Ecolo-journal " et quelques autres, on devrait pouvoir lui faire une bonne pub. Cela ne nous coûtera que quelques jours de vacances au club pour deux ou trois de leurs rédacteurs. En outre, nous pourrons peut-être insérer un certain nombre de pages blanches, vraiment blanches, d'un blanc lumineux, dans les quotidiens et hebdomadaires. Pour cela, il nous suffira d'acheter le papier et de soudoyer un employé. Cela ne nous coûtera pratiquement rien.

(Le téléphone sonne, Florence décroche).

FLORENCE: Agence Nogatri, j'écoute... La gare de Trou sur Marne ? Oui... Oui... passez-la-moi... Brigitte ? C'est Florence... Quoi ? Tu es encore à Trou sur Marne ? ... Tu as ?… Tu as raté ta correspondance?.. Comment t’es-tu débrouillée ?… Ca ne pouvait arriver qu'à toi ! Je t'envoie une voiture.

LEDIRECTEUR : Que lui est-il arrivé ?

FLORENCE: Rien de très étonnant pour qui connaît votre fille Brigitte ! Comme vous le savez, elle revient aujourd'hui de chez ses grands-parents par la S.N.C.F. A Trou sur Marne, elle est bien descendue de l'autocar pour sa correspondance, mais, au lieu d'entrer dans la gare pour se renseigner, elle a attendu un car devant la porte… Pendant ce temps-là, le train qu'elle devait prendre passait derrière son dos !

LEDIRECTEUR : Cette Brigitte ! Ce sera elle aussi une grande artiste ! Elle manifeste déjà des dispositions pour cette fantaisie à laquelle je suis si attaché.

Mais à propos où en est cet essai ? Il ne devrait pas tarder à être termi...

(A cet instant arrive Annie, une corbeille sous le bras.)

LE DIRECTEUR : Alors Annie ? Cette lessive ?

LAVTOU: Les taches ont bien disparu comme je vous l’annonçais ?

ANNIE: (Rendant à Lavtou ses vêtements et l'aidant à s'habiller) Pour avoir disparu, elles ont disparu ! Et sans laisser la moindre trace! Envolées les taches ! Regardez vous-mêmes.

(Lavtou a enfilé ses vêtements. A l'emplacement de chaque tache, il y a un trou.)

LE DIRECTEUR : Miraculeux ! On n'a jamais vu ça ! Plus la moindre tache ! Votre lessive Faf va faire un malheur ! Avec un tel produit, la publicité devient un jeu d'enfants !!!

RIDEAU.